Les 2èmes assises de la finance participative

Les 2èmes assises de la finance participative

 

L’équipe de crowdfundbank était présente aux 2èmes Assises de la finance participative. Et parceque l’on est très attentifs et que l’on pense à ceux qui n’étaient pas là, voici le résumé de ce qui s’est dit. Nous en profitons pour remercier chaleureusement l’organisateur de cet évènement, Financement Participatif France.

 

1ER BILAN, POINT D’ETAPE, SUR LA REFORME DE L’ENCADREMENT LEGAL DU CROWDFUNDING

En moins de deux ans, les acteurs du crowdfunding ont réussi à obtenir un encadrement légal pour des métiers qui n’existaient pas encore. Pour le prêt et l’equity, on est passé du néant à une reconnaissance légale. Comme l’a déclaré Benoît Granger (administrateur, Financement participatif France),  « il est venu le temps de se congratuler officiellement mais aussi d’évoquer ce qui ne va pas et ce qui devrait changer« .

Les intervenants ont notamment débattu sur les points suivants :

  • L’exclusion des personnes morales dans le prêt aux entreprises: Seules les personnes physiques peuvent investir sur les plateformes de prêt. Ce n’est pas le cas à l’étranger ce qui créée une vrai confusion dans ce secteur.
  • Le montant maximal de 1000 euros pour le prêt aux entreprises: Selon Benoist Lombard (président de la chambre des indépendants du patrimoine), il serait envisageable d’augmenter le plafond s’il y a un vrai conseil en amont sur les modalités du prêt et ses risques. La question se pose essentiellement pour les investisseurs fortunés qui souhaitent prêter des sommes plus importantes, a précisé Vincent Ricordeau (président de Babyloan)
  • L’investissement via un véhicule dédié (le plus souvent des holdings): Georges Viglietti (président, Sowefund) a soulevé la question des holdings, qui   forment un écran fiscal et qui empêchent les investisseurs de bénéficier de défiscalisations IR/ISF. La création d’un statut de société d’investissement participatif semble être une des solutions à envisager.

Les intervenants ont également débattu sur l’harmonisation des règles qui semble vital pour une meilleure compréhension du crowdfunding par le grand public. Le flou et le manque de transparence est un risque pour les plateformes. Il faut rentrer dans des statuts facilement explicables à la foule mais tout prend du temps et le cadre actuel n’existe que depuis le 1er octobre a rappelé Natalie Lemaire (directrice des relations avec les épargnants, AMF).

Enfin, les sujets suivants ont rapidement été évoqués :

  • L’allégement des process d’inscription pour les « petits » investisseurs
  • La protection des prêteurs qui permet de protéger aussi la filière
  • L’arrivée des institutionnels sur les plateformes qui peuvent, à terme, devenir majoritaires et faire fuir les particuliers.

 

L’INTERNATIONALISATION DES PLATEFORMES FRANÇAISES

L’INTERNATIONALISATION EST-ELLE NECESSAIRE OU PEUT-ON RESTER UNE PETITE BOUTIQUE ? 

Pour Benoît Bazzocchi (président AFIP et SmartAngels), l’internationalisation des plateformes est indispensable. Au niveau international, des plateformes gigantesques s’attaquent au marché (ex : google, Alibaba en Chine…). « Des géants mondiaux apparaissent sur le secteur. Donc c’est important, c’est une obligation ».

Selon, Arnaud Poissonnier (président, Babyloan) « il n’y a que des global winners et des local loosers ». Tout est dit.

Le leader c’est un global winner. Certains gros acteurs sont en train de ramasser tout le marché avec un effet d’accélération à partir d’une certaine taille. Mais comme l’indique Oliver Gadja (président, European Crowdfunding Network), il faut voir cette tendance comme une opportunité qui va améliorer le marché.

Alain Pithon (secretaire general, Paris Europlace) est également intervenu de façon rassurante « il ne faut pas avoir peur des acteurs de la finance traditionnelle qui investissent le secteur ».

UNE PLATEFORME EN FRANCE PEUT-ELLE PROPOSER A DES INTERNAUTES ETRANGERS D’INVESTIR ? 

La réponse est assez simple pour Sébastien Raspiller (sous-directeur, financement des entreprises et marché finance, Direction générale du Trésor) : il faut être autorisé pour aller démarcher au sein de l’UE. « On ne peut pas être tout petit et ne pas avoir assez de fonds propres…Il faut déjà être un acteur d’une certaine taille pour prétendre à l’internationalisation »

ET INVERSEMENT ? UNE PLATEFORME FRANÇAISE PEUT-ELLE PROPOSER DES ENTREPRISES ETRANGERES A DES INTERNAUTES FRANÇAIS ?

« On peut proposer des entreprises de droit étranger mais il faut respecter certaines clauses. Cela reste très compliqué » (Benoît Bazzocchi, président AFIP et SmartAngels).

D’où la question d’une harmonisation juridique européenne avec la création d’une directive dédiée au crowdfunding. Il est compliqué d‘agir dans différents pays. Comme le souligne (Benoît Bazzocchi, président AFIP et SmartAngels), les modèles choisis en Angleterre et en France sont très différents (différence de process, d’approche clients…). Le crowdfunding en France n’est pas le même crowdfunding que dans un autre pays européen. Ce n’est plus le même métier.

Un statut européen serait l’idéal pour un meilleur déploiement des plateformes selon Reid Feldman (avocat, Kramer Lanvin).

Plus largement, il faudra un jour une directive, qui devra parler de comment mettre les évolutions digitales au cœur de la Finance, et non pas seulement parler du crowdfunding.

A l’opposé, on constate que les états Unis suivent un chemin inverse avec un éclatement des législations, a constaté Alain Pithon (secretaire general, Paris Europlace). La « Jobs Act » de 2012 n’a jamais été mise en œuvre au plan national. « Des législations état par état ont vu le jour et il devient très compliqué de ré-harmoniser l’ensemble. L’Europe a une carte à jouer à ce niveau-là » (Benoît Bazzocchi, président AFIP et SmartAngels).

COMMENT FAIRE EMERGER DES CHAMPIONS EUROPEENS ? 

Pour Benoît Bazzocchi, il est primordial de maintenir la possible agilité de la loi et d’organiser des réunions régulières pour faire remonter ce qui se passe sur le terrain.

Pour Arnaud Poissonnier (président, Babyloan), « il va y avoir de la casse » dans le secteur. Pour que quelques acteurs deviennent globaux, il faut pouvoir lever des fonds et travailler sur la marque. «Sans moyens, on disparaitra ».

LA FRANCE EST-ELLE UN MARCHE ASSEZ VASTE POUR PERMETTRE L’EMERGENCE DE GROSSES PLATEFORMES ?

Comme le souligne Arnaud Poissonnier (président, Babyloan), beaucoup de métiers sont contraints par le volume car les marges sont faibles. Les plateformes de crowdfunding sont condamnées à grossir si elles veulent survivre.

 

FACILITER LE DEVELOPPEMENT D’ENTREPRISES OU D’ASSOCIATIONS

Le crowdfunding vient de plus en plus en complément des levées de fonds classiques. D’ailleurs dans certains cas, les acteurs classiques du financement sont prescripteurs du crowdfunding. Au final, chaque entreprise aura sa propre chaîne de financement avec des intervenants de secteurs variés pour des montants différents.

De plus, beaucoup d’entreprises vont vers le crowdfunding pour se financer mais aussi pour se faire connaître (dixit Didier Chambard, membre du comité de sélection Paris Business Angels et fondateur de Agora Entreprise). Se faire financer par la foule, c’est aussi se faire aimer par elle.

L’ACCOMPAGNEMENT DES PROJETS

Les plateformes accompagnent en amont les porteurs de projets, et les entrepreneurs sont en demande. De par le volume des opérations, la difficulté se situe dans l’accompagnement aval. L’avenir c’est que les plateformes et les Business Angels travaillent ensemble, notamment au niveau de ce suivi post investissement.

LE FINANCEMENT DES PLATEFORMES

Selon Nicolas Chatillon (directeur général, S-money, groupe BPE), les nouvelles plateformes ne vont pas rencontrer les mêmes problèmes que celles qui ont déjà quelques années. L’économie générale du secteur va s’améliorer et se consolider.

Les fonds de co-investissement permettent de constituer un pool de valeurs et la capacité de mobilisation individuelle. On multiplie les capacités d’audit, de ressources et de supports. « Les outils de co-investissement vont naturellement se développer » (Yvan-Michel Ehkirch, Venture Partner, CapDecisif Management, FRCI).

 

LA FINANCE PARTICIPATIVE ET LE DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES 

Le crowdfunding s’inscrit dans les territoires, c’est son levier principal de réussite !

S’inscrire dans un territoire géographique rassure les internautes en leur offrant une épargne locale traçable. Ils savent là ou va leur argent.

Patrick Fellous (directeur du développement, Crédit Coopératif) a commencé le débat en nous expliquant que certains territoires ont eu l’envie de développer leur propre plateforme, pensant que c’était un remède miracle : « Il est très difficile de faire une plate-forme de région qui va tout couvrir. Il faut éviter de vouloir tout embrasser. L’expertise est difficile à avoir sur tous les secteurs. Il faut penser territoire affinitaire et non pas territoire administratif ».

Nicolas bridge (directeur du développement, CCI Caen) a précisé que le crowdfunding est capable d’intervenir dans tous les cycles de vie de l’entreprise. Le territoire permet davantage de proximité et de pédagogie avec les porteurs de projets. Il nous a ensuite parlé d’une expérience de boutique éphémère dédiée au crowdfunding (destinée à recueillir des témoignages et à démocratiser le concept) et envisage pourquoi pas, la création d’agences de crowdfunding locales.

Pour Stéphane Vromman (co-fondateur, Bulb in town), allier le territoire et le financement participatif est une démarche pertinente. Cela permet un meilleur accompagnement de par la connaissance du porteur de projet et de la proximité avec les organismes publics du financement et de l’accompagnement.

Un des points soulevés est la complexité du marché du fait de son niveau de maturité. Il existe de nombreuses plateformes et les pouvoirs publics attendent d’avoir plus éléments pour sélectionner celles sur lesquelles les acteurs régionaux pourront intervenir et même investir.

 

LA FINANCE PARTICIPATIVE PEUT-ELLE SE SUBSTITUER A LA SPHERE PUBLIQUE ?

Anne de Béthencourt (chargée des relations extérieures, Fondation Nicolas Hulot et vice-présidente de l’institut de l’économie circulaire) a lancé le débat. Selon elle, la finance participative est un outil formidable de revitalisation de la démocratie et de la capacité donnée au citoyen d’intervenir.

Bien que l’état n’a plus les moyens d’ambitions fortes, l’ensemble des intervenants sont tous d’accord pour dire qu’il n ‘y aura pas de substitution. En revanche, rien n’empêche une belle complémentarité. 

D’ailleurs les collectivités locales sont en demande et voient dans le crowdfunding une voie d’acceptation de projets parmi les électeurs.

Pour Marc Lhermitte (associé EY), on est entré dans une nouvelle ère de l’intervention publique : « On ne pourra jamais dire que le crowdfunding sera un substitut de la sphère publique. C’est un starter de la régénération de l’économie française et de l’entrepreneuriat. Il a toute sa place dans l’économie en tant qu’éveilleur de conscience dans la France de 2020 ».

L’intervention d’Antonin Léonard (co-fondateur, OuiShare), a mis en évidence le manque d’études menées sur le sujet : « On a beaucoup d’intuitions mais peu d’analyses ». Il est donc difficile de savoir si un projet réussi mieux lorsqu’il est financé par la foule ou lorsqu’il est financé par les instances publiques.

Toujours selon Antonin Léonard, nous sommes au début « d’un mouvement de renouvellement de l’économie et d’une révolution culturelle. Le financement participatif permet de reprendre le pouvoir sur l’économie, et on va vouloir par la suite le prendre sur l’Etat et la démocratie. Mais il y a encore du chemin… C’est à nous de porter ce changement progressivement ».

L’ignorance des collectivités locales au sujet du crowdfunding doit être résolue. Comme l’indique Marc Lhermitte (associé EY), c’est le job des plateformes et d’acteurs comme la caisse des dépôts. Chacun doit être partie prenante dans cette acculturation.

Antonin Léonard (co-fondateur, OuiShare) a complété ces propos en précisant qu’il faut du vrai participatif et pas du participatif « cosmétique ». Il y a toute une culture qu’il faut appréhender et celle des institutions est plutôt à l’opposé du participatif. D’où la nécessité d’une démarche pédagogique envers les institutions françaises pour les inciter à s’ouvrir à la co-création et à la participation citoyenne. 

Enfin, Déborah Münzer (maire adjointe de Nogent s/ Marne et vice-présidente de la FNCC) pense que la finance participative peut permettre une co-construction; et peut montrer les projets qui inspirent les citoyens et donc les projets qui devraient inspirer l’Etat.

 

LA FINANCE PARTICIPATIVE, PERSPECTIVES ET ENJEUX ECONOMIQUES

Oussama Ammar (co-fondateur de The Family)

La majorité des startups se définissent comme des sociétés en faillite permanente. Il est dur d’investir sur du rationnel. Le business plan, par exemple n’est qu’une suite d’hypothèses non prouvées ! Et le pédigrée de l’équipe ? Cela ne veut rien dire, un beau profil peut rencontrer l’échec et un « mauvais » profil peut trouver le succès…

Comme on ne peut pas être sûr de nos investissements, on diversifie ! Mais comment diversifier son risque lorsque l’on est un particulier ?

Ainsi a commencé Oussama Ammar pour conclure les Assises de la finance participative. Le ton est donné !

Oussama Ammar nous a fait part de son inquiétude face au crowdfunding. Il existe un biais de sélection: « The Family n’investit pas dans les entreprises qui lèvent sur les plateformes de crowdfunding, car les grandes startups ne sont jamais des grandes idées unanimes. Les grandes startups, ce sont des bonnes idées qui ont l’air d’être mauvaises (et c’est pour cela que personne ne l’a fait avant) ».

Le risque ?  Que l’échec de l’equity crowdfunding rejaillisse sur le monde des startups et leur financement.